En 2024, alors que tous les regards étaient tournés vers Gaza, le président Joe Biden a lancé une campagne de bombardements au Yémen qui a déplacé plus de 531 000 personnes. Près de 40 000 personnes ont été chassées de chez elles par les seules bombes américaines. Cette opération, baptisée Opération Gardien de la prospérité , vous n'en avez probablement jamais entendu parler. Il n'y a eu ni vote au Congrès, ni conférence de presse à la Maison Blanche. Et pourtant, à la fin de l'année, des avions de guerre américains avaient frappé des écoles, des mosquées, des fermes, des ports et des camions-citernes à travers le Yémen, provoquant un effondrement humanitaire comparable aux pires années de la guerre menée par l'Arabie saoudite. Deux rapports publiés par l'Équipe nationale yéménite pour la sensibilisation à l'étranger (NTFG), examinés par MintPress News, ont révélé des statistiques stupéfiantes sur les conséquences de la dernière campagne militaire de Biden contre ce pays arabe déchiré par la guerre. Le président Biden, dans son premier discours de politique étrangère en 2021, a déclaré que mettre fin à la guerre « catastrophique » au Yémen serait une priorité absolue. À cette époque, la guerre soutenue par les États-Unis, principalement menée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, avait déjà fait près de 400 000 morts depuis son lancement en 2015 sous l'administration de Barack Obama. En octobre 2023, le gouvernement d'Ansar Allah à Sanaa a commencé à intervenir dans la guerre de Gaza, suite à la campagne de bombardements israéliens qui a tué des milliers de civils palestiniens. Après avoir lancé des missiles, le groupe a imposé un blocus de la mer Rouge aux navires liés à Israël. Plutôt que de poursuivre les négociations, la Maison Blanche a réagi en renforçant son intervention militaire en soutien à Israël.
C'est le summum de la politique étrangère américaine… Lorsqu'on lui demande si les frappes contre le Yémen fonctionnent, Biden répond : « Quand vous dites qu'elles fonctionnent, stoppent-elles les Houthis ? Non. Vont-elles continuer ? Oui. »
Autrement dit, « bombarder ces gens ne sert à rien, mais on va continuer ». pic.twitter.com/otzJC6hzpS — Arnaud Bertrand (@RnaudBertrand) 19 janvier 2024
En décembre 2023, le secrétaire à la Défense de l'époque, Lloyd Austin, annonçait le lancement d'une mission navale multinationale appelée Opération Gardien de la prospérité. Dans le cadre de cette campagne, l'administration Biden lançait des frappes aériennes contre Ansar Allah au Yémen sans l'approbation du Congrès ni le mandat populaire. Selon le premier rapport du NTFG, l'opération menée par les États-Unis, ainsi que les frappes aériennes israéliennes ultérieures, ont aggravé la crise humanitaire au Yémen, faisant passer le nombre de civils nécessitant une aide urgente de 18,2 millions à 19,5 millions pour la seule année 2024. Autrement dit, l'effort de guerre financé par les contribuables américains a plongé 1,3 million de personnes supplémentaires dans la pauvreté l'année dernière. Le rapport notait également que des responsables de l'ONU « ont mis en garde contre les tentatives des États-Unis, du Royaume-Uni et d'Israël de perturber l'aéroport international de Sanaa et les ports de Hodeidah afin d'entraver et de suspendre l'aide humanitaire internationale au Yémen, d'autant plus que ces installations vitales sont des sites humanitaires cruciaux ». Cet avertissement met en lumière ce qui semble être une punition collective intentionnelle du peuple yéménite. Près de 80 % de la nourriture du pays est importée. Les sites endommagés ou détruits en décembre 2024 comprenaient :
- 23 installations commerciales
- Huit stations-service
- Deux installations touristiques
- Six écoles
- Six mosquées
- 45 routes et ponts
- Six réservoirs d'eau et réseaux
- Cinq ports maritimes
- Quatre fermes
- 13 food trucks
- Quatre camions-citernes
- 37 champs agricoles
Le deuxième rapport du NTFG s'est concentré sur les déplacements internes et les conséquences humanitaires. Selon les statistiques de l'ONU citées dans le rapport, 531 000 personnes ont été déplacées à l'intérieur du Yémen en 2024, dont au moins 38 129 déplacées de force directement par des attaques militaires. Au cours du dernier mois de la présidence de Biden, les États-Unis et leurs alliés ont ciblé un nombre alarmant de sites civils. Le rapport indique :
Des frappes aériennes ont ciblé des centrales électriques du Secrétariat de la capitale (Sanaa) et d'Hodeida, incendiant des équipements essentiels à la production d'électricité et privant les civils d'électricité. Outre la paralysie de l'approvisionnement électrique du Yémen, la coalition américano-britannique-sioniste a lancé des attaques contre des ports clés de la mer Rouge à Hodeida, notamment les ports d'Al-Salif, d'Hodeida et de Ras Issa. Ces frappes ont fait de nombreux morts et blessés parmi les travailleurs portuaires, perturbant les échanges commerciaux et les voies d'approvisionnement humanitaire vitaux.
Bien que l'administration Trump ait intensifié la guerre depuis son arrivée au pouvoir, la campagne militaire américaine au Yémen dure désormais depuis plus d'une décennie. Jusqu'à l'attaque israélienne contre Gaza, elle était largement considérée comme la pire catastrophe humanitaire d'origine humaine au monde.
Sous la présidence de Biden, Ansar Allah a été qualifiée d'organisation « terroriste mondiale spécialement désignée ». L'administration Trump a depuis remplacé cette qualification par celle, plus sévère, d'« organisation terroriste étrangère ». Cette nouvelle classification compromet considérablement la capacité des organisations humanitaires à acheminer l'aide, criminalisant de fait le travail de secours dans de vastes zones du nord du Yémen. Photo de couverture | Des habitants inspectent un bâtiment détruit par des frappes aériennes américaines pendant la nuit à Sanaa, au Yémen, le 20 mars 2025. Photo | AP. Robert Inlakesh est analyste politique, journaliste et documentariste basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a vécu et couvert les territoires palestiniens occupés et anime l'émission « Palestine Files ». Réalisateur de « Steal of the Century: Trump's Palestine-Israel Catastrophe ». Suivez-le sur Twitter @falasteen47